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Ciné Télé Revue
(Belgique, mai 2002)
Mes
cicatrices n'ont pas disparu : j'ai toujours la même tristesse.
Elle
revient avec un album magnifique, mais aussi là où on ne
l'attendait pas : au cinéma. Choisie par Claude Lelouch pour
"And now... Ladies and Gentlemen", elle y révèle les
côtés intimes de sa personnalité. Princesse de Cannes (son
film fait la clôture du festival), elle se livre à Ciné Télé
Revue. En
1987, elle triomphait avec Mademoiselle chante le blues
et, depuis, jamais le succès ne l'a quittée. Les Ségara,
Lââm,
Lorie sont arrivées, mais Patricia Kaas est toujours là. On ne
l'oublie pas. On reconnaît immédiatement sa voix, et pour
cause : elle ne peut se confondre avec aucune autre. A l'automne
2001 cependant, la Lorraine a voulu s'arrêter, soufflet après
avoir enchaîné tournées et albums, prendre un peu de temps
pour elle. Séparée de Philippe Bergman, parce que, quelque
part, sa carrière l'a emporté sur sa vie sentimentale, elle
venait de s'installer à Zurich, au bord d'un lac, quand le cinéma
l'a appelée par l'intermédiaire de Claude Lelouch. Deux ans
plus tôt, le projet d'incarner Marlène Dietrich n'avait pas
abouti. Aussi, Patricia hésite, demande quelques jours de réflexion...
"J'avais deux pages de dialogues que je répétais
devant mon miroir. Je me trouvais nulle. Je me suis rendue à
l'audition stressée et "traqueuse". Francis
Huster m'attendait pour me donner la réplique. Claude m'a dit :
"Vous allez improviser." Je lui ai répondu : "Moi,
je n'improvise pas, même en musique." Alors, il m'a
demandé de me mettre au piano... et je ne sais pas en jouer. Ca
partait mal." Néanmoins, le réalisateur est convaincu
d'avoir trouvé son héroïne, sa "femme pleine de
cicatrices". Son choix est arrêté : Patricia Kaas, proche
de sa famille et nostalgique de ses parents trop tôt disparus,
sera sa Jane d'And now... Ladies & Gentlemen. Jane
est une chanteuse de piano-bar qui connaît la vie. A 35 ans (âge
de la chanteuse), solitaire, déçue par les hommes, elle ne
croit plus en rien. Elle est au bout du rouleau quand, au hasard
d'un engagement dans un palace marocain, elle croise le chemin
de Valentin (campé par Jeremy Irons), un cambrioleur
international en convalescence sur un voilier. Pour la fillette
de Forbach devenue une star internationale, l'expérience est
fabuleuse... mais unique ! "Elle doit rester un évènement
exceptionnel", dit-elle, "une parenthèse. Ma
passion, c'est la chanson." Avec And now... Ladies
& Gentlemen", elle fait d'ailleurs d'une pierre
deux coups, puisqu'elle a sorti, à la mi-avril, un album, Piano
Bar by Patricia Kaas, rassemblant les chansons (des reprises
en anglais de standards français comme Ne me quitte pas,
Le feuilles mortes, Que reste-t-il de nos amours ?...)
entendues dans le film. Dès septembre, l'apprentie comédienne
aimerait les interpréter en concert, dans des petites salles de
400 ou 500 personnes, en France, et peut-être même en
Belgique. Puis, elle travaillera un nouvel opus. "Je
commence à chercher des morceaux", confie Patricia.
"J'écoute en ce moment des compositions de Jean-Jacques
Goldman et de Pascal Obispo. Mais rien n'est encore fait."
En attendant, elle se doit encore un peu au cinéma et à ce
long métrage à découvrir dans les salles dès le 29 mai, après
avoir été projeté hors compétition au Festival de Cannes.
"J'ai vu le film cinq fois, je ne sais pas quoi dire, si
ce n'est que cette femme sur l'écran, c'est moi, rendue dans
mon intimité." Célibataire mais enfin épanouie, la
grande dame se confie. Il y a quinze ans, vous goûtiez pour la première fois au succès.
Avec le recul, comment considérez-vous votre évolution ? Quand j'ai enregistré mon premier album, je n'étais qu'une
adolescente. Quand je revois mon look et ma coupe de cheveux,
j'en rigole ! La vraie différence se remarque sur scène. Avant
je ne parlais pas beaucoup aux gens. On me disait froide,
timide, je ne comprenais pas. Car dans la vie je n'ai pas
l'impression d'être comme ça. Aujourd'hui, je me reconnais
enfin. Pour moi, c'est une vraie réussite. Plus que de faire
exploser les chiffres de vente, il est primordial de se sentir
bien dans sa peau, d'être heureux de ce qu'on fait, d'exister
depuis longtemps. Quand on regarde les pochettes de vos précédents albums, on
est effectivement frappé par vos changements physiques.
Pourquoi avez-vous choisi ces métamorphoses successives ? Quand vous débutez, des maquilleurs et des coiffeurs s'occupent
de vous. Vous pensez qu'ils savent ce qu'ils font. Et après,
vous êtes déçue. Je me suis beaucoup cherchée. J'ai oscillé
entre le glamour et le très moderne comme à l'époque de
l'album Dans ma chair.
Les années passent et vous êtes de plus en plus sexy... A partir du moment où je me laisse prendre en photo le torse
nu, je ne peux pas dire que ce n'est pas voulu ! Les gens me
trouvent plus sexy. En réalité, je suis plus naturelle. Claude Lelouch dit que vous êtes "une femme
pleine de
cicatrices"... ... que j'ai sûrement dans mon regard, mais que je ne vois pas
dans mon miroir ! Ces cicatrices existent : je viens d'une
grande famille, d'un milieu modeste. J'ai perdu ma maman et mon
papa très jeune. A 20 ans, j'ai dû construire ma vie moi-même.
J'entends parfois dire : "Même quand elle sourit, elle a
une certaine tristesse." Vous avez pourtant réalisé le souhait de votre mère, qui
voulait vous "voir grande"... Peut-être que si ma mère n'avait pas eu cette maladie, je ne
serais pas là. Je n'aurais pas eu cette volonté qui m'anime
sans cesse. La fille que vous jouez pour Claude Lelouch, c'est vous ? Jane me ressemble. C'est une fille assez triste, déçue par la
vie, par ses amours. Elle gagne sa vie en chantant. Lelouch et
moi avions aussi tous les deux envie de grandes chansons françaises
réarrangées et enregistrées en anglais. C'est ainsi qu'est née
la B.O. du film. Vous ne vous reposez donc jamais ? Le travail sur le film m'a pris quatre mois. Mais six mois s'étaient
écoulés pendant lesquels j'ai flemmardé. Au bout de six
semaines de repos, je me suis ennuyée. Quand on a pris son
petit déjeuner à 3 heures de l'après-midi, qu'on a zappé
mille fois devant la télé, on se rend compte qu'on n'a rien
fait de concret. Pour moi, le temps a passé et je n'avais rien
créé... Vous ne vous épanouissez donc que par le travail ? Peut-être. A partir du moment où vous goûtez au plaisir d'une
tournée, au plaisir du succès, il est très difficile de s'en
passer. Votre séance de photos avec Jeremy Irons a beaucoup fait jaser.
Pourquoi avoir posé de manière si complice avec lui ? Nous étions conscients des retombées. Je voulais une photo
pour la pochette du best of, de dos, avec un bijou. La mise en
scène était jolie. On s'est dit : "Pourquoi pas ?"
Mais tout peut être interprété. C'était évident... Non. Si vous vous laissez prendre en photo dans les bras d'un
homme au bord d'une piscine, là c'est évident ! Mais, dans
notre cas, nous posions face à l'objectif. Dans le clip d' Il me dit que je suis belle, j'embrasse un mec et ça
n'a jamais posé de problème. Les rumeurs sont toujours liées
à la vie que vous menez. Alors, les gens cherchent qui pourrait
craquer pour moi. Jusque-là, vous aviez été épargnée par les ragots. Oui, mais peut-être parce que, pendant six ans, j'ai vécu avec
le même homme. La première année, on nous a pris en photo ;
la deuxième, c'était toujours le même ; la troisième
aussi... Dans le cas de Jeremy et moi, il y a eu, en plus, cette
photo du baiser volé à la sortie du China White, un club
londonien... Ce n'était que le bisou d'un au revoir de fin de
tournage. Mais autour de ça s'est créée une histoire. Que
voulez-vous que j'y fasse ? Moi, je m'en fiche, je n'ai personne
dans ma vie. Mais Jeremy est un homme marié !

Vous faites peur aux hommes ? Le succès fait peur, la femme indépendante aussi... Quand je
bois un verre avec quelqu'un de sympa, je sens qu'il a une
petite appréhension. Mais je comprends ce genre de réaction.
En 1990, quand Alain Delon m'a proposé de l'accompagner au
Festival de Cannes, je me suis dit : "Moi, avec un mec
comme ça..." alors qu'il ne m'avait rien demandé d'autre
! Comment vous séduire ? (rires) Je n'en sais rien. Ca étonne que je sois célibataire.
La célébrité est plus facile pour un homme que pour une
femme. Une fille qui va seule dans un bar prendre un verre,
c'est louche. Mais bon, je ne suis pas à plaindre. Je suis
heureuse. Aujourd'hui, on fabrique des stars de la chanson à vitesse
grand V à coup d'émissions de télé. Quel regard portez-vous
sur ce phénomène ? Ce genre d'émissions est bénéfique, car elles permettent à
des gens de prouver leur talent. Il n'y a plus d'auditions, et
la cassette qu'on envoie a une chance sur cent d'être écoutée.
Mais, ce qui me dérange, c'est qu'on affuble d'une limousine et
de gardes du corps une gamine de 17 ans qui n'a fait qu'un tube.
C'est ridicule, car ça sonne faux ! C'est quoi, une star ? Quelqu'un qu'on reconnaît. Mais ce n'est pas parce que ça fait
rêver le public que je vais me trimbaler avec une ribambelle
d'armoires à glace autour de moi pour me protéger. Je ne veux
pas être un ovni. Quand je suis chez moi, je fais mon lit toute
seule. Ca étonne toujours beaucoup ! L'image de Patricia Kaas solitaire est-elle complètement exacte
? Oui. On est tellement entouré dans ce métier qu'on a besoin de
solitude. A 20 ans, j'ai dû construire ma vie. J'étais une
fille à maman et je ne savais pas faire grand chose. Tout d'un
coup, quand vous vous retrouvez seule, vous êtes condamnée à
vous débrouiller. Mais trop de solitude peut-être dangereux.
Mon staff n'est composé que d'hommes. Résultat : je pense en
mec. J'ai beaucoup d'amis garçons et je me rends compte que je
parle parfois comme eux. En même temps, c'est une force. En réalité,
je suis quelqu'un de fort et sensible à la fois. Pourquoi vivez-vous à Zurich ? Je voulais m'arrêter un moment, ce que je ne pouvais pas faire
en France. J'aime le côté franco-allemand de Zurich, qui me
rappelle mon enfance. Je suis plus proche de ma famille. Vous y vivez anonyme ? Non, j'ai choisi un pays où on me connaît un peu. L'anonymat
m'aurait fait peur. Qu'on m'arrête dans la rue fait partie de
ma vie. Si vous écriviez votre histoire, quelle serait-elle ? Ce serait l'histoire d'une personne qui vivait dans l'ombre de
quelqu'un , qui s'est cherchée et qui, aujourd'hui, s'est
trouvée.
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